Un des genres
majeurs dans la sous-famille des Formicines, incluant des espèces parmi
les plus grandes et les plus répandues. Cosmopolite, il se retrouve
dans toutes les régions biogéographiques, sauf en Antarctique. Il
regroupe plus de 1000 espèces dont l'abondance culmine surtout en
régions tropicales. Subdivisé en plusieurs dizaines de sous-genres, sa
taxinomie demeure encore inadéquate, faute de révisions exhaustives. On
compte 12 sous-genres dans la région néarctique et plus d’une
soixantaine d’espèces dont plusieurs affichent un polymorphisme marqué
(Bolton 1994, Creighton 1950, Fisher & Cover 2007, Hansen
& Klotz 2005, Ward et
al. 2016).
Jusqu'à présent, on a recensé cinq espèces de ce genre au Québec, deux du sous-genre Myrmentoma et trois du sous-genre Camponotus. Bien que Camponotus americanus ne soit pas signalée jusqu'ici, il est plus que probable que cette fourmi soit présente au moins dans le sud-ouest, car elle est présente en Ontario. En outre, je l’ai collectée dans la région de Port Kent, au sud de Plattsburg (NY, USA), à quelque 60 km seulement de la frontière québécoise. On peut aussi s’attendre à trouver quelques autres espèces présentes au nord de la Nouvelle-Angleterre, telles que C. castaneus et C. chromaiodes, grâce au réchauffement climatique (Ellison et al. 2012). Diagnose. femelles. Poly ou dimorphiques, diversement colorées de jaune, de brun, de noir ou de rouge. Tégument chitinisé et dur, luisant ou mat, sculptures superficielles. Taille de la gyne plus grande que celle de l’ergate, affichant un thorax plus développé et muni de deux paires d’ailes à l’émergence. Chez les espèces polymorphiques, on distingue trois types d’ergate selon la taille : mineur, intermédiaire et majeur (soldat); cette variation module la forme de la tête. Sutures notales du mésosome absentes ou faiblement distinctes. Mandibules : courtes et généralement trapues, faiblement incurvées, munies de 5 dents, robustes chez les gâte-bois, l’apicale effilée. Marge postérieure du clypéus droite ou affichant une concavité ou une impression médiane linéaire ou triangulaire inversée, variant en profondeur et en extensions latérales. Antennes généralement longues, de 12 articles, sans massue; insertions plus ou moins profondes, nettement éloignées de la marge postérieure du clypéus. Carènes frontales très développées affichant une courbe médiane convexe. Yeux composés situés au-delà de la médiane de la longueur de la tête; éloignés des marges latérales de la tête, sauf chez les individus nains. Ocelles absents chez l’ergate, trois petits et globuleux chez la gyne. Profil latéral du mésosome se distingue nettement par une convexité partant du pronotum jusqu’au propodéum; métapleures sans orifice latéropostérieur. Gastre : acidopore sans couronne de poils à l’apex du pygydium, un caractère unique dans la sous-famille. mâles. De même taille que la gyne chez la majorité des espèces, de couleur noire. Yeux composés grands, à surface bombée, dépassant les limites latérales de la tête; accompagnés de trois ocelles globuleux. nymphes. Blanches et enveloppées d’un cocon solide brun ou ocre. Bioécologie. Les plus grandes espèces de fourmis du Québec sont des Camponotus qui creusent le bois vivant ou mort, qualifiées de fourmis gâte-bois, en tant que nuisances régulières en foresterie ou dans les structures d’édifices (le terme anglais carpenter traduit par charpentières est impropre en français). La taille des colonies varie en deux volets : chez les deux espèces du sous-genre Myrmentoma, le nombre d’ouvrières se compte par centaines, alors que celles du sous-genre Camponotus peuvent atteindre des dizaines de milliers. Elles creusent des chambres et des galeries, mais ne mangent pas le bois; les particules générées sont rejetées à l’extérieur du nid, accélérant ainsi le recyclage du bois. Une seule espèce n’utilise pas le bois pour aménager son nid, C. americanus. Au sortir de l’hiver, ces fourmis s’alimentent principalement d’arthropodes vivants ou morts, puis les populations de pucerons s’étant développées par parthénogenèse dans les arbres, elles s’affairent alors à récolter leur miellat. Caractéristique unique, les reproducteurs adultes passent l’hiver dans le nid. Ils essaiment à la fin du printemps ou au début de l’été selon les conditions météorologiques, ce qui inquiète souvent les bipèdes. Ces fourmis ne possèdent pas d’aiguillon et ne peuvent donc pas nous piquer; mais les puissantes mandibules des plus grandes ouvrières peuvent infliger des morsures désagréables, voire douloureuses, si ensuite arrosées d’acide formique irritant. Des gynes essaimantes des espèces gâte-bois peuvent être parasitées par des petites mouches phorides dont le développement des larves conduit à leur mort (Brown et al. 1991). Répartition. Le genre se rencontre de la frontière sud jusqu’à la limite des arbres au nord. Seulement une espèce de ce genre caractérise la forêt boréale, C. herculeanus. Elle accompagne C. novaeboracencis dans la zone de transition ou écotone vers le domaine de la forêt feuillue (Francoeur 2001). CLÉ DES GENRES
SELON LES FEMELLES ERGATES Camponotus americanus
Mayr 1862
Diagnose.
Polymorphe. Corps un peu luisant, de couleur variable entre noire,
brune et jaune, mais jamais de rouge. Taille
grande : longueur des ergates de 6 à 10 mm, des gynes
de 9 à 14 mm. Tête en vue frontale : deux rangées
séparées de poils
dressés ou courbés, issus de fovéoles rondes apparentes, s’étalent du
vertex au front; joues et aires malaires avec poils dressés sur la
moitié antérieure; pubescence très courte et largement distribuée.
Mandibules à 5 dents, les deux postérieures plus fortes et
triangulaires. Antennes plus longues que la longueur de la tête (≈ 5 à
10 %). Partie bombée du clypéus sans carène médiane et pourvue de
longues soies le long des marges. Gastre sans pubescence ou alors très
fine et éparse. Mâle noir, aussi grand que la gyne. Photos
Bioécologie. Monogyne. Fourmi nocturne et omnivore, associée principalement au biome de la forêt décidue de l’est du continent. Elle se rencontre dans les écotones de champs, forêts feuillues (chênaies diverses), et mélangées. Le nid est construit surtout dans le sol, nu ou sous roche, parfois sous pièce de bois, plus rarement sous litière. Répartition. À découvrir dans le sud-ouest du Québec. Elle a été collectée sur l’île Tar du fleuve Saint-Laurent, à la hauteur de Rockport, Parc national des Milles-Îles, Ontario (Antweb 2021). Répartition néarctique. Son territoire s’étend du sud-est du Canada, à l’est des États-Unis et vers les états centraux limitrophes. Camponotus caryae
(Fitch 1855)
Diagnose.
Polymorphe. Corps peu luisant, de couleur noirâtre à brun foncé ou
orangée, gastre plus foncé; taille petite : longueur
des ergates de 3,5 à 7,5 mm, des gynes de 5 à 9 mm. Tête en vue
frontale : forme allongée chez les petites ergates et
carrée chez les grandes; tiers antérieur diversement sculpté jusqu’aux
insertions antennaires; grandes fovéoles présentes sur les marges
antérieures des joues et des aires malaires, et sur un clypéus rugueux,
bosselé et mat. Poils dressés du clypéus jaunâtres, de longueur
variable, les plus courts égaux à ceux des joues et des aires malaires.
Limite externe des yeux composés jouxtant les marges latérales de la
tête chez les petits spécimens et éloignée d’une distance égale à la
moitié du diamètre du scape chez les plus grands. Pronotum affichant de
0 à 4 poils dressés. Profil latéral du propodéum arrondi, marge
antérieure surmontant parfois la suture métanotale. Gyne avec trois
ocelles. Mâle noir et plus petit que la gyne. Photos
Bioécologie. Fourmi rarement observée jusqu’à maintenant. Elle habite des boisés de chêne, de caryer et de noyer. Elle niche principalement dans des trous d’arbres et butine rarement au sol. Répartition. Sud-ouest du Québec. Fourmi associée au domaine de l’érablière, biome de la forêt décidue de l’est. Données connues : Berthierville (Berthier), La Trappe et parc d’Oka (Deux-Montagnes). Répartition néarctique. Son territoire s’étend au sud-est du Canada, à l’est des États-Unis et vers les États centraux limitrophes selon Hansen & Klotz 2005. Remarque. Les limites taxinomiques de cette espèce restent encore incertaines et, en conséquence, de même pour son territoire et ses préférences écologiques. De nouvelles recherches approfondies et exhaustives s’avèrent nécessaires pour mieux préciser la nature des espèces du sous-genre Myrmentoma en région néarctique. Camponotus herculeanus
(Linné 1758)
Diagnose.
Polymorphe. Corps bicolore (voir clé). Taille
grande : longueur des ergates de 6 à 13 mm, des gynes
de 12 à 17 mm. Tête en vue frontale : plus longue que
large chez les petits individus, aussi large que longue chez les
grands; mandibules fortes; scapes des antennes sans poils dressés,
longueur dépassant à peine l’angle occipital chez les grandes ergates;
clypéus large, faiblement bombé et sans carène centrale, aire
antérieure médiane projetée en avant et terminée par une marge droite
denticulée ou bosselée; joues et aires malaires sans poils dressés.
Profil du mésosome : trapu; surface du propodéum
étendue verticalement, marge dorsale courbée et jonction arrondie avec
la marge postérieure en pente. Surface dorsale du gastre :
microsculptures présentes; poils dressés longs et jaune doré, poils
couchés plus pâles, réguliers et rapprochés, de longueur égale à la
moitié des poils dressés. Gyne : mésoscutum
entièrement noir. Mâle noir mat, un peu moins long que la
gyne. Photos
Bioécologie. Monogyne. Fourmi discrète, plus nocturne que diurne. Elle habite pessières, sapinières, pinèdes, forêts mixes à bouleau, peupleraies, tourbières, pâturages, bordures de route et boisés modifiés par l’homme. Le nid est creusé presque exclusivement dans le bois mort ou vivant : troncs debout ou couchés, poteaux divers, branches; cependant, des galeries peuvent s’étendre dans le sol sous mousse, sous roche et autres objets en surface ou enterrés, parfois dans des matériaux artificiels comme le polystyrène et le carton goudronné. Dans les troncs vivants, elle peut creuser la base jusqu’aux racines et le sol autour où la colonie se concentre durant l’hiver, ce qui favorise la chute de l’arbre par le vent. Les reproducteurs passent l’hiver dans le nid et essaiment au printemps ou au début de l’été selon les conditions météorologiques. Une colonie peut comprendre des dizaines de milliers d’ouvrières. Des combats épiques surviennent pour la possession d’un territoire lors d’une migration. Au début de la saison de croissance, les ouvrières cherchent des cadavres d’arthropodes; lorsque les populations de pucerons et de coccides apparaissent dans les arbres et les arbustes, elles priorisent la récolte du miellat que ceux-là produisent. Une peste qui cause discrètement des dommages aux constructions en bois, attirée par des zones humides (Francoeur 2020). Répartition. Une espèce commune et caractéristique de la forêt boréale du Québec, jusqu’à la limite nordique des arbres et dans les aires de montagne de même nature plus au sud (Francoeur 1983). Elle réside aussi dans les écotones faisant transition vers le domaine de l’érablière. Répartition néarctique. Transcontinentale au Canada. Aux États-Unis : les États contigus au Canada, avec extension vers le sud dans l’étage canadien des Rocheuses. Camponotus nearcticus
Emery 1895
Diagnose.
Polymorphe. Corps luisant, tête moins que le gastre; de petite
taille : longueur des ergates de 3,5 à 7,0 mm, des
gynes de 5 à 9 mm; parfois une gyne est plus petite que la plus grande
des ergates. Pubescence de la surface dorsale du corps à poils très
courts et issus de petites fovéoles, clairsemée et uniformément
répartie, en particulier sur la tête. Coloration variable; individu
unicolore noir à brun foncé; individu bicolore : tête
noire avec des aires rougeâtres, mésosome et pétiole rouge clair à
rouge sombre, gastre noir. Tête en vue
frontale : plus longue que
large; chez les petits individus, forme arrondie et marge occipitale
convexe; chez les grands, côtés peu convexes et marge occipitale
droite; limite externe des yeux composés jouxtant la marge latérale de
la tête chez les petits et éloignée d’une distance égale à la moitié du
diamètre du scape chez les plus grands; poils dressés ou semi-dressés
en position marginale autour du clypéus, certains issus de grandes
fovéoles; joues et aires malaires sans poils dressés. Clypéus nettement
plus large que long. En vue sagittale, marge dorsale du pétiole
anguloconvexe, parfois avec une petite échancrure médiane. Gyne avec
trois ocelles petits et blancs. Mâle noir et plus petit que la
gyne. Photos
Bioécologie. Monogyne. Espèce discrète, associée au domaine de l’érablière, biome de la forêt décidue de l’est. On la trouve dans diverses érablières, chênaies et pinèdes ouvertes. Les colonies sont de petite taille en général, mais peuvent comprendre plusieurs centaines d’ouvrières en milieu favorable. Le nid est aménagé dans du bois mort ou vivant : ramille, branche, sous l’écorce de tronc ou de souche, cône de pin, poteaux divers ou dans des habitations associées à des aires boisées ou forestières, en particulier des chalets, causant des dégâts (Francoeur 2020, Smith 1965). Les colonies développées abritent des reproducteurs ailés (mâles et gynes) durant l’été. Cette fourmi butine de jour comme de nuit se nourrissant de liquides sucrés produits par des pucerons ou des coccides ou recherchés sur diverses plantes, et aussi d’insectes morts. Répartition. Générale dans le sud du Québec. Données connues la plus à l’est, Amqui (Matapédia), la plus à l’ouest, Luskville (Pontiac). Répartition néarctique. Transcontinentale dans le sud du Canada et dans les États américains limitrophes, avec extensions vers le sud dans les Rocheuses. Camponotus novaeboracensis
(Fitch 1855)
Diagnose.
Polymorphe. Taille grande : longueur des ergates de 5
à 13 mm, des gynes de 14 à 18 mm. Morphologie semblable à celle de C.
herculeanus. Caractères distinctifs : corps bicolore
(voir clé); tête et gastre un peu luisants; surface dorsale du
gastre : sans microsculpture; poils dressés longs et
jaune doré, poils couchés plus pâles, moins nombreux, courts et
nettement distanciés. Gyne : mésoscutum rouge clair
ou sombre, affichant deux bandes noires en position sublatérales. Mâle
un peu plus petit que la gyne. Photos
Bioécologie. Monogyne. Fourmi moins discrète, butinant le jour et la nuit, associée principalement à la forêt décidue et ses écotones. Elle fréquente les divers peuplements de feuillus d’érable, de peuplier et de hêtre, des boisés mixtes, des friches, parfois des zones herbacées ou improductives, des milieux rudéraux et urbains. Ses nids se trouvent principalement dans le bois vivant ou en décomposition en surface ou enterré, sous les écorces, parfois dans le sol sous roche ou sous la mousse, dans des bouses de vache. Les colonies demeurent de taille plus petite, contenant en moyenne 3 000 ouvrières et peuvent devenir une nuisance. Les reproducteurs passent l’hiver dans le nid de la colonie et essaiment au début de l’été selon les conditions météorologiques, après l’essaimage de C. herculeanus. Même régime alimentaire que cette dernière. Répartition. Générale dans le sud du Québec. Répartition néarctique. Transcontinentale au sud du Canada et au nord des États-Unis, avec extensions limitées dans le sud-ouest. Camponotus pennsylvanicus
(DeGeer 1773)
Diagnose.
Polymorphe. Corps des deux sexes entièrement noir et mat. Taille grande
: longueur des ergates de 5 à 15 mm, des gynes de 18 à 21 mm. Tête en
vue dorsale : plus longue que large; chez les petits
individus, marges
latérales peu convexes et marge occipitale convexe; chez les grands,
côtés très convexes et marge occipitale droite; limites externes des
yeux composés ne touchent pas les marges latérales de la tête;
mandibules fortes, clypéus à peine bombé, sans carène (parfois amorcée
chez les grands ergates), aire antérieure médiane projetée en avant et
terminée par une marge droite; joues et aires malaires sans poils
dressés. Profil du mésosome : allongé avec une pente
de 30 degrés,
marge postérieure à peine courbée et sans jonction. Surface dorsale du
gastre : microsculptée et partiellement cachée par
une pubescence
dense; poils dressés longs et dorés, poils couchés touffus et
majoritairement aussi longs que les dressés. Mâle presque aussi long
que la gyne. Photos
Bioécologie. Monogyne et omnivore. L'une des espèces les plus grandes et les plus communes des fourmis gâte-bois du biome de la forêt décidue. Elle habite divers types de forêts feuillues, des peuplements mélangés, des prés et des écotones. Elle niche presque exclusivement dans le bois mort ou vivant et s’adapte bien aux boisés des milieux urbanisés; elle envahit souvent les habitations humaines et autres bâtiments, par des groupes satellites d’ouvrières causant des dommages. Les colonies prospères peuvent atteindre jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d'ouvrières. Elles sont actives surtout la nuit et peuvent butiner jusqu’à 90 m au-delà de leur nid, en laissant une piste chimique. Lors d’une visite dans un chalet, j’ai eu l’occasion de découvrir une colonie installée dans la porte d’un garde-robe d’une chambre par le bruit que le marchage de quelque 6000 ouvrières engendrait (Francoeur 1977). L’alimentation de base repose sur le miellat des pucerons arboricoles qu’elles entretiennent et protègent; des cadavres d’insectes, des fruits dégradés et des liquides produits par des plantes complètent leur diète naturelle. Les reproducteurs passent l’hiver dans le nid parental et essaiment au début du printemps. Répartition. Générale dans le sud du Québec. Répartition néarctique. Sud-est et centre-sud du Canada. Est des États-Unis jusqu’à la moitié est du centre.
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