Introduction

La nature des divers taxons du système de classification biologique repose sur l’exploitation des connaissances fournies par la morphologie, l’anatomie, l’écologie, la biogéographie, l’éthologie, la biochimie et la génétique.

Les clés d’identification présentées plus loin dans cette section utilisent principalement les caractères morphologiques des espèces parce que ces informations sont immédiatement accessibles à l’œil nu ou à l’aide d’une loupe stéréoscopique. Il s’ensuit que l’utilisation de ce type de clés exige une connaissance minimale du vocabulaire qui nomme les structures du corps et leurs variations. En outre, des dessins et des photographies aident la visualisation précise et la compréhension de ces éléments.

Le corps d’un insecte se compose de segments. Chaque segment comprend un tergite dorsal et un sternite ventral sclérifiés, et des pleures latéraux membraneux ou sclérifiés (figure 1). Cette structure initiale peut subir une grande variété de modifications durant le développement embryonnaire. En particulier, les pleures peuvent être invaginés et cachés à l’intérieur du corps, ce qui cause un rapprochement du tergite et du sternite, pouvant aller jusqu’à la présence d’une suture.

Figure 1. Schéma en coupe transversale de la composition
d'un segment du corps d'un insecte.

Comparée à celle d’autres insectes, la morphologie du corps des fourmis est particulièrement modifiée, et ce, pour trois raisons : (a) présence d’un pédicelle qui se distingue entre le mésosome, partie centrale apparente du corps, et le gastre; (b) un thorax très simplifié chez les femelles aptères ; (c) des variations de taille et de formes (polymorphisme) chez les femelles d’une même colonie. En outre, les mâles et les femelles ailés ont un thorax très développé pour supporter et actionner deux paires d’ailes. C’est pourquoi, avant d’attaquer les clés d’identifications, il faut apprivoiser une terminologie un peu plus complexe qu’à l’habitude. Mais on y parvient facilement en consultant les illustrations appropriées.

De la morphologie des fourmis, on utilise la forme et la dimension des parties du corps, leurs rapports biométriques, les variations méristiques comme le nombre d’articles aux palpes et aux antennes, les variations de la pilosité et de la pubescence, ainsi que la couleur des individus vivants observés sur le terrain. Au sujet de la couleur, il faut savoir que ce caractère se détériore avec le temps chez les spécimens morts et qu’il n’est pas complètement développé chez les individus ténéraux, demeurant pâles quelque temps après l’émergence. Les caractères des parties de la tête et du mésosome sont plus nombreux et les plus employés.

On trouvera, dans la section suivante, une description illustrée des structures morphologiques principales des individus des deux sexes et un glossaire des termes utilisés pour comprendre les clés dichotomiques permettant d’identifier les espèces de fourmis qui habitent le territoire du Québec.

Organisation fonctionnelle

Comme c’est la norme dans le monde animal, une espèce de fourmi comprend des individus femelles et des individus mâles.

Mais, chez les insectes sociaux, et en particulier chez les fourmis, il peut exister plusieurs formes d’individus dans les deux sexes. Selon les genres et les espèces, ce phénomène présente différentes variations ou combinaisons à partir d’un modèle général d’organisation des colonies durant la plus grande partie de leur existence.

Le modèle social général d’une colonie. Si l’on ouvre un nid de fourmis, qu’y trouve-t-on le plus souvent? Un certain nombre d’individus, tous semblables, qui sont des femelles sans ailes à l’émergence, appelées ouvrières : elles composent la majeure partie de la population de la colonie. Bien que possédant des ovarioles, elles ne participent pas à la production de nouveaux individus, aussi longtemps qu’une reine vivante ( ou plusieurs) les domine à l’aide d’une phéromone, empêchant ainsi l’ovogenèse chez l’ouvrière. Cette reine est une femelle au thorax pleinement développé qui avait des ailes à l’émergence. Fécondée par un mâle, elle pond des œufs qu’elle féconde ou non grâce aux spermatozoïdes conservés dans un réceptacle séminal (ou spermathèque), petite sphère située dans la zone postérieure de son abdomen. Un œuf fécondé donnera une femelle; un œuf non fécondé, un mâle. Lorsque la colonie atteint une certaine taille, des individus reproducteurs, femelles et mâles ailés sont alors produits durant quelques années.

Terminologie. La terminologie traditionnelle utilisée pour décrire les différentes formes d’individus et leur fonction dans une colonie s’est développée initialement dans le contexte sociopolitique du XIXe siècle. Depuis, la découverte de plusieurs variations par rapport au modèle général, le plus répandu dans le monde des fourmis, a engendré une phraséologie incompréhensible pour qui ne connaît pas le code implicite du sens des termes utilisés. Quelques exemples. « La colonie de l’espèce X a produit des « sexués » cette année ». Est-ce à dire qu’elle produisait des individus asexués antérieurement? Bien évidemment non, mais les ouvrières furent longtemps qualifiées de « neutres » ou d’« asexuées » parce qu’elles ne produisaient pas d’oeufs. Le terme « sexués » veut ici désigner des femelles reproductrices qui vont perdre leurs ailes après accouplement (habituellement nommées reines), et des mâles qui sont toujours ailés. Alors, pour le contrôle de la reproduction chez une espèce qui n’a pas de « reine » apparente, cela signifie que la femelle reproductrice n’est pas, en terme morphologique, une femelle du type gyne, mais une femelle de type ergate (telle que l’ouvrière) ou une forme intermédiaire appelée ergatogyne, possédant un réceptacle séminal où survivent les spermatozoïdes.

Il apparaît donc nécessaire d’utiliser un vocabulaire propre aux différentes formes des deux sexes et un vocabulaire propre à l’organisation et au fonctionnement social de la colonie. Les clés d’identification des taxons reposeront essentiellement sur le vocabulaire de la morphologie, sans exclure d’autres types de données.

Contribution |

Galerie des espèces |

Glossaire |

Formicinae |

Myrmicinae |

Ponerinae |