Les Amblyoponines
regroupent 12 genres actuels et un éteint; elles présentent des formes
parmi les plus primitives de la famille, tant par leur morphologie que
par leur éthologie. Toutes les régions biogéographiques en accueillent,
mais la plupart vivent dans l’hémisphère sud. Trois genres occupent la
région Néarctique
sans envahir la zone de la forêt boréale (Bolton
2003, Ward & Fisher 2016). Seulement le genre Stigmatomma,
représenté par une seule espèce, atteint le Québec.
Genre
STIGMATOMMA
Roger
Le genre Stigmatomma affiche une allure générale typique, générée par certaines caractéristiques de la tête et du corps. Il se distingue aisément, parmi tous ceux présents au Québec, par la forme de la tête, des mandibules et du strigile des pattes antérieures. Diagnose. femelles. Monomorphiques, de couleur brun pâle à noirâtre; taille et apparence différant peu entre l’ergate et la gyne. Antennes de 12 articles. Mandibules très allongées, cultriformes, pourvues de dents de taille variable sur la marge interne. Yeux composés de l’ergate peu développés, souvent vestigiaux ou absents, situés au-delà de la moitié médiane de la longueur de la tête; bien développés chez la gyne avec en plus trois ocelles. Carènes frontales dilatées antérieurement en un lobe recouvrant au moins partiellement l’insertion des antennes. Tibias des pattes antérieures pourvus d’un strigile à lame, alors que les pattes médianes et postérieures exhibent une paire d’éperons fortement chitinisés, peu sculptés. Pétiole globuleux, de taille variable, sans face postérieure verticale distincte parce que largement attaché au premier segment du gastre (= troisième segment abdominal). Premier segment du gastre séparé du second par un étranglement annulaire strié et peu profond, généralement visible. Aiguillon bien développé et fonctionnel. Orifice postéroventral du gastre en forme de fente. Pilosité le plus souvent courte et régulière sur le dessus du corps. mâles. Corps noirâtre, un peu plus petit que celui de la gyne. Tête pourvue de grands yeux et de trois gros ocelles. Antennes ayant un article de plus que celles des femelles. nymphes. Corps enveloppé d’un cocon brun, assez ferme; imago (= adulte) capable d’émerger sans l’aide des ergates. Ce genre principalement tropical comprend plus de 60 espèces dans le monde (Wikipedia 2018). Il offre peu de représentants dans la région holarctique : une dizaine en Eurasie et quatre en Amérique du Nord. Une seule espèce indigène au Québec. Les espèces, prédatrices et carnivores, se nourrissent d’insectes et d’autres petits arthropodes. Les ergates, et surtout les gynes, exploitent aussi l’hémolymphe de leurs propres larves; ce comportement cannibale leur a valu le surnom de fourmis Dracula! Les colonies, peu populeuses, comptent quelques dizaines à une centaine d’individus. Les larves se nourrissent elles-mêmes sur les proies apportées et découpées par les ergates. La gyne fondatrice, contrairement aux fourmis plus évoluées, quitte son nid pour aller chasser. Les nids aménagés dans la litière ou construits dans le sol demeurent indécelables sans fouille. On les découvre aussi sous les roches ou divers débris de matière organique, ainsi que dans le bois mort. Essentiellement cryptobiotiques, elles ne butinent pas en surface. Le nid, plutôt diffus, ne devient jamais une cité fortement concentrée comme celle d’espèces plus évoluées, appartenant aux Formicines ou aux Myrmicines. Stigmatomma pallipes
(Haldeman 1844)
Diagnose. Figures : voir clé des sous-familles et la Galerie des espèces. Coloration brun pâle à brun foncé. Taille des ergates : 4,5-6,5 mm. Taille des gynes : 6-7,5 mm. Marge antérieure du clypéus plus ou moins convexe, garnie de courtes projections dentiformes. Coins antérolatéraux de la tête pourvus d’une dent génale, fine, pointue et saillante. Mandibules très allongées et cultriformes, avec un apex effilé et dentiforme, à marge interne incurvée et pourvues de dents de taille variable et dispersées. Dorsum du mésosome vu de profil, rectiligne ou faiblement convexe; plus trapu chez la gyne; propodéum sans projections. Cette fourmi représente la forme la plus primitive de notre myrmécofaune au point de vue phylogénie. Elle affiche une taille plus grande que celle des Ponérines présentes au Québec. S. pallipes est l’une des deux espèces québécoises ayant des mandibules allongées; l’autre étant la formicine Polyergus bicolor, aux mandibules falciformes et à marge interne sans dents. Photos. Bioécologie. Cette espèce préfère les milieux ombragés de la forêt décidue. Les données recueillies au Québec indiquent qu’elle est inféodée à des milieux allant des boisés à couverture presque complète à des zones de transition ou écotones bois-champ ou bois-route plus ou moins ensoleillés. Dans tous les cas, il s’agit de milieux qui demeurent toujours quelque peu humides. Cependant, le fait que j’ai capturé des gynes ailées en vol dans un quartier résidentiel de Sainte-Foy (ville de Québec) laisse croire que cet insecte peut s’adapter aux conditions des biotopes boisés urbains dans la partie nordique de son territoire. Haskins (1928) a déjà constaté ce fait pour la région de Schenectady, dans l’état de New-York. Jusqu’ici, S. pallipes a été capturée essentiellement à l’intérieur ou en bordure des biotopes climaciques ou subclimaciques de l’érablière à caryer et de l’érablière laurentienne (Francoeur 1966). Ce sont (a) des boisés d’érable à sucre, associés selon diverses combinaisons aux essences suivantes : orme, noyer, tilleul, frêne, bouleau, chêne rouge, érable rouge, pin blanc et pruche; (b) des peuplements de frêne ou de chêne rouge et de frêne; (c) des pinèdes de pin blanc diversement associé à des feuillus comme l’érable à sucre, l’érable rouge, le peuplier à grandes dents et le peuplier faux-tremble. Elle creuse et aménage ses nids dans le sol minéral ou la matière organique morte partiellement ou entièrement enfouie. Les chambres, peu nombreuses, apparaissent basses et allongées; les galeries sont abondantes, étroites et très longues. Talbot (1957) a trouvé des ouvrières jusqu’à une profondeur de 38 cm en hiver, dans un boisé de chêne et de caryer du Missouri. On la rencontre sous les roches, dans le bois mort (branches et petits troncs au sol, racines) et l’horizon organique du sol où elle est particulièrement active. Par beau temps, elle transporte ses cocons sous la litière. Elle maintient des colonies peu populeuses dont le nombre moyen d’individus peut varier de 8 à 12 (Francoeur 1965, Traniello 1982). Ces moyennes s’avèrent fort probablement plus faibles que la réalité à cause de la tendance prononcée des ouvrières à se disperser, plutôt qu’à rester fortement concentrées comme chez les fourmis plus évoluées. Les colonies possèdent une ou plusieurs reines. Cette fourmi se nourrit en particulier de petits centipèdes. Répartition. Stigmatomma pallipes habite essentiellement le sud-ouest du Québec. La répartition actuellement connue de cette espèce comprend le sud de la vallée du fleuve Saint-Laurent jusqu’à la hauteur de l’Île d’Orléans; on devrait la retrouver plus loin vers l’est. Sa présence devrait être confirmée dans le comté de Soulange, dans les régions de l’Estrie, des Bois Francs, de la Beauce et de la partie méridionale de la Mauricie. Le territoire de cette espèce coïncide avec ceux des domaines climaciques de l’érablière. Répartition néarctique. Territoire du biome de la forêt décidue : sud-est du Canada et est des États-Unis. Dans l’ouest, on la rapporte dans quelques états dont la Californie (antweb). |
Références
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Antweb : https://www.antweb.org |
Bolton, B. 2003. Synopsis and classification of Formicidae. Memoirs of the American Entomological Institute 71: 1-370. |
Francoeur, A. 1965. Écologie des populations d’un bois de chêne rouge et d’érable rouge. Le Naturaliste canadien 92 : 263-276. pdf |
Francoeur, A. 1966. La faune myrmécologique de l'érablière à sucre (Aceretum saccharophori Dansereau) de la région de Québec. Le Naturaliste canadien 93 : 443-472. |
Haskins, C.P. 1928. Notes on the behaviour and habits of Stigmatomma pallides Haldeman. Journal of the New York Entomological Society 36: 179-184. |
Talbot, M. 1957. Populations of ants in a Missouri woodland. Insectes Sociaux 4 (3): 375-384. |
Traniello, J.F.A. 1982. Population structure and social organization in the primitive ant Amblyopone pallipes (Hymenoptera: Formicidae). Psyche (Cambridge) 89: 65-80. |
Ward, P.H. & Fisher, B.L. 2016. Tales of dracula ants: the evolutionary history of the ant subfamily Amblyoponinae (Hymenoptera: Formicidae). Systematic Entomology 41: 683–693. |
Wikipedia. 2018. https://en.wikipedia.org/wiki/Stigmatomma. |
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