Elasmostethus
atricornis |
E.
atricornis est une punaise vert-jaune, ornée d'un grand
motif en
forme de croix sur le dos. Elle ressemble à E. cruciatus mais
s'en
distingue assez facilement par ses antennes entièrement noires ou
marron et les angles
huméraux noirs. Au stade de nymphe et d'adulte, elle se nourrit
essentiellement de l'Aralie à grappes (Aralia racemosa),
une grande
plante qui pousse dans les bois riches.
Carter &
Hoebeke (2003) ont étudié l'espèce à Ithaca, dans l'État de New York
(zone de rusticité comparable à celle de Montréal). Voici leurs observations. Les
adultes ne sortent généralement pas d'hibernation avant la première
semaine de juillet. Les oeufs sont pondus sous les feuilles de l'Aralie
à grappes,
si les fruits ne sont pas encore apparus. Ils sont déposés
individuellement ou en groupes comptant entre 12 et 25 oeufs ovoïdes,
vert pâle, translucides et légèrement amincis aux extrémités. Peu avant
l'éclosion, les yeux rouges des nymphes sont visibles à travers
l'enveloppe de l'oeuf (chorion).
Après la mi-août la
plupart des oeufs
sont déposés directement sur les fruits ou sur leur pédicelle. Les
femelles peuvent pondre jusqu'à la mi-septembre. Les oeufs éclosent
simultanément, environ deux ou trois jours après avoir été déposés. Les
adultes de la nouvelle
génération apparaissent de la fin août, jusqu'à la mi-octobre. À
l'arrivée des gelées, les insectes se sont enfouis sous la litière
entourant leur hôte. L'espèce produit une seule génération par année
dans son
aire de distribution nord-américaine. |

Ponte un 5 août. Les oeufs, probablement infertiles, n'avaient pas
éclos, 9 jours plus tard. |

14 oeufs sous une feuille d'Aralie à grappes. |

Adulte au centre d'une grappe de fruits. |
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Stade
I. À gauche une ponte individuelle et à droite un trio.
Les nymphes au premier stade restent immobiles quelques jours
avant de muer au stade II et se déplacer sur les fruits pour
se nourrir. |
Stade II. 16 nymphes étaient auprès de deux
chorions blancs et trois exuvies (→). |
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Stade
III, probablement. Les
stades II et III sur les fruits sont semblables. Plusieurs nymphes ont
été observées en train de se nourrir, les stylets (→) enfoncés dans le
fruit alors que le labium était rabattu sous le ventre. Les deux photos
ci-dessus représentent ce comportement. |
Stade IV. Début de croissance des fourreaux alaires. |
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Stade
V. La couleur des nymphes à ce stade est très variable; parfois pâle,
parfois foncée, à l'abdomen rouge ou vert. Elles
s'agglomèrent souvent sur les fruits où elles sont bien camouflées. Les
nymphes de stade V se regroupent en grand nombre dans un repli, sur le
dessus des feuilles, juste avant la mue au stade adulte. Les adultes se
regroupent aussi souvent à l'automne (Carter & Hoebeke, 2003). |
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Les taches de l'abdomen et les
antennes rouges contribuent au camouflage, parmi les fruits
mûrs. |
La nymphe au stade V se nourrit
sur un fruit de
l'Aralie à
grappes, son hôte. |
Une punaise Hoplistoscelis
pallescens (Nabidae) consomme une nymphe qui vient de
muer. Son exuvie (→) est au premier plan. |
Elasmostethus
cruciatus |
E.
cruciatus
ressemble à l'autre espèce du même genre présente au Québec, Elasmostethus atricornis.
Les
deux espèces se différencient assez facilement en observant la
combinaison des critères suivants.
Chez E. cruciatus,
les antennes sont généralement pâles et parfois rouges mais jamais
entièrement noires, la
ponctuation du pronotum (B → ) est plus espacée et plus
profonde, les
angles huméraux (A → ) sont pâles ou teintés de rouge
mais
pas noirs. L'espèce se reproduit sur l'aulne et le bouleau. |
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Stades
I et II. Ci-dessus, la même ponte à 45 minutes d'intervalle. À gauche,
une seule nymphe (→) vient de muer du stade I à II. À droite, elle a déjà
pris en partie les couleurs du stade II et trois autres nymphes ont
mué. Les rostres des seconds stades s'allongent au-delà de l'abdomen et
sont visibles de dos (→). On peut les observer aussi sur la photo au
centre, ci-dessous. |
Les oeufs d'E.
cruciatus, présents sur des Bétulacées comme l'aulne et le
bouleau sont très semblables à ceux d'E. atricornis sur
l'Aralie à grappes. |
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14
nymphes au stade I sous la feuille d'un bouleau. Deux jours plus tard,
les nymphes ont mué au stade II. Elles sont maintenant neuf. Les cinq
manquantes se sont peut-être dispersées pour se nourrir. |
Nymphe au stade III. |
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Nymphe au stade IV sur du bouleau. |
Stade IV. Deux
nymphes sur des fruits de l'aulne. Le camouflage est meilleur sur cet
hôte que sur le bouleau, feuille ou chaton. |
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Nymphe au stade V sur un
chaton de bouleau. |
Nymphe
au stade V sur de l'aulne. |
Trois nymphes au stade V,
grégaires. |
Organe de
Pendergrast
Constitué de deux paires de
dépressions (→ ), il est unique aux Acanthosomatidae. Seules
les
femelles en sont pourvues.
Carter & Hoebeke (2003) décrivent
le comportement des femelles de cette façon: après avoir déposé un
oeuf, la
femelle frotte tour à tour ses tibias postérieurs sur l'organe de
Pendergrast puis semble tapoter son oeuf. Le mouvement est répété entre
cinq et dix fois, durant 30 à 60 secondes. Diverses hypothèses ont été
émises pour expliquer ce comportement. L'application d'une substance
qui protège les oeufs pourrait expliquer pourquoi les Acanthosomatidae
qui gardent leurs oeufs, par exemple Elasmucha, sont
dépourvus de l'organe de Pendergrast.
Photo à droite, base de l'abdomen d'une femelle. |
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Elasmucha lateralis |
E. lateralis
n'a pas de motif en croix sur le dos, contrairement aux Elasmostethus.
Sa couleur
est est un mélange indistinct de brun de marron et de blanc. La
ponctuation est profonde et couvre toute la partie sclérifiée. L'espèce
se
nourrit sur les feuilles et les chatons du bouleau. Elle
hiberne au stade adulte et produit deux générations par année (Mc
Pherson
1982).
Ci-dessous à gauche, on observe des nymphes
aux fourreaux alaires plus ou moins développés qui proviennent
probablement de deux pontes distinctes. Frost & Haber
(1944) notent que des nymphes de mères différentes peuvent se
rassembler et qu'une femelle peut protéger les nymphes d'une autre
femelle. |
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Stades IV et V. Les
nymphes aux rayures longitudinales rouges jaunes et blanches sont
caractéristiques. On les observe en groupe puisqu'elles sont grégaires
jusqu'au stade adulte. | Stade V. Chez certaines
nymphes, les lignes longitudinales sur le thorax peuvent être plus ou moins
prononcées, comme chez les deux individus ci-dessus. |
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Elasmucha lateralis
adulte. |
Chez E. lateralis, la
base du pronotum se projette
vers l'arrière, de chaque côté du scutellum ( →). |
Les
oeufs sont en train d'éclore. Certaines nymphes sont encore dans l'oeuf
(→); leurs yeux et des rayures orange se devinent à travers
l'enveloppe de l'oeuf. D'autres nymphes sont mobiles
mais restent étroitement
groupées sous la femelle. |
Une femelle et sa
progéniture - 15 jours d'observations |
La même femelle a
été
observée et photographiée du 2 au 18 juin 2007.
Le 2 juin, les oeufs bleu pâle semblent fraîchement déposés. La femelle
reste en place malgré l'intrusion de la photographe. À la
visite suivante, le 9 juin, les oeufs ont pris une teinte brun
pâle; le 15 juin, les nymphes sont empilées les
unes sur les autres, dans une zone délimitée par le corps de la femelle
qui
les protège. Après l'éclosion des oeufs, la femelle s'est déplacée de
quelques centimètres sur la feuille, révélant une tache brune où les
oeufs ont été pondus.
Le 18 juin, le groupe a déserté la feuille et s'est déplacé sur un
chaton du bouleau, un peu plus
haut sur la même branche. La femelle fait vibrer
ses ailes lorsqu'un insecte passe à proximité. |

2 juin
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18 juin |

9 juin |

15 juin |
Pontes
communautaires |
À l'été
2020, Elasmucha
lateralis a été observée sur un bouleau, son hôte.
Plusieurs
femelles avaient pondu leurs oeufs à proximité d'une ou de deux autres
femelles, sur une même feuille. Des feuilles avoisinantes libres
étaient pourtant accessibles.
Après
l'éclosion des oeufs, les nymphes se sont parfois regroupées et les
deux femelles ont assuré conjointement la protection de leur
progéniture. La
photo à droite illustre ce comportement. Normalement, les nymphes
restent empilées sur leurs chorions (enveloppes des oeufs) et la
femelle
couvre l'ensemble. À droite, les nymphes ont abandonné leurs chorions,
pour rejoindre l'autre groupe à quelques centimètres plus loin. |
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Deux femelles et leurs oeufs sur
une feuille partiellement dévorée par une chenille. |
Trois femelles couvrant leurs
oeufs sur une feuille de bouleau. Certaines nymphes semblent être au
second stade. |
Deux femelles qui protègent leur progéniture
rassemblée. En bas à droite de la photo, les chorions blancs abandonnés
par une des pontes. |
Sauvetages |
Un bouleau (le
même que celui aux pontes
groupées ci-dessus) surplombe une piscine, sur un terrain privé. Fin
juin, des feuilles ont jauni et sont tombées à l'eau. À deux reprises,
une observation attentive des feuilles a permis d'y découvrir des
nymphes Elasmucha
lateralis
et même une ponte avec la femelle toujours en place au-dessus de sa
progéniture, sur la feuille flottant à la surface de l'eau. Les
feuilles ont été délicatement épinglées au bouleau et après une journée
ou deux, les nymphes s'étaient déplacées sur le bouleau pour se nourrir. |
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Sur une feuille flottant sur
l'eau, une ponte sans femelle. Elle était avec l'autre, ci-dessous. |
La feuille sortie de l'eau hébergeait deux pontes. Une
des femelles couvrait encore sa progéniture. |
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Ci-dessus,
des nymphes au stade I (une seule nymphe au stade II). Pas de femelles
protectrices sur cette feuille flottant à la surface de l'eau. |
La feuille épinglée au bouleau a permis aux nymphes de
regagner leur hôte à leur rythme. |
Morphologie
remarquable des Acanthosomatidae |
La présence de
deux
carènes ventrales est remarquable chez les Acanthosomatidae. L'une
s'étend sous l'abdomen (A) et
l'autre sous le
thorax (C). Elles pointent en direction contraire et se croisent sur
une longueur de quelques millimètres,
à leur point de rencontre (B). L'extrémité effilée de la carène
ventrale est toujours située à droite de celle de la thoracique. Le
rostre est toujours allongé à gauche de la carène thoracique (Frost
& Haber, 1944) et son extrémité (D) dépasse légèrement le point
de
rencontre des deux carènes, chez
E. lateralis. Chez certaines punaises comme le réduve, le
rostre s'insère commodément dans un sillon. Ici, au contraire, la
carène semble un
obstacle au port naturel du rostre, au centre du thorax. |
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Elasmucha lateralis |
Elasmostethus
cruciatus |